28 févr. 2018

Consommer éthique 1/3 - Le vestimentaire





A ton avis, combien de pièces d'occasion compte cette photo ? 

Un regard attentif te fera relever l'usure des bottines, mais le jean semble neuf et le pull en excellent état. Pourtant, tous trois ont appartenu à quelqu'un d'autre avant d'atterrir dans mon placard. 
Te voilà introduit dans le monde alternatif du "second-hand", tout droit sorti du Thrift shop de Macklemore.  Alors qu'en moyenne chaque personne achète près de 30 kilos de vêtements chaque année et n'en porte que... 40%, laisse-moi te parler un peu de ce mode de consommation que j'ai adopté depuis maintenant trois ans.

Quelle éthique vestimentaire ?

Il n'est pas évident de se rendre en friperie, puisque les enseignes de prêt-à-porter sont disponibles à peu près partout. Ces temples de la consommation "fast-fashion" sont de véritables empires qui regorgent de basiques bon marché et rapidement accessibles. Car notre société court après la montre, optimisant la moindre minute et grappillant les secondes. "Pas le temps" devient une plainte autant qu'une excuse. Il en découle logiquement que notre consommation vestimentaire obéit à cette règle de l'urgence : il faut que les enseignes soient facilement accessibles, les vêtements correctement rangés par taille et couleur, et si possible que la caisse soit libre pour ne pas avoir à faire la queue. 

Toi arrivant dans une boutique le dernier jour des soldes.
Illustration du fast-fashion.
Crédits à NewVo Radio 

Le "fast-fashion" - mode rapide -  correspond à cette exigence de rapidité.

Comment définir cette tendance de consommation ?
En deux points : en perpétuel "renouvellement" et à bas coût. 

Le "renouvellement" ultra-fréquent des collections est une exigence que je mets entre guillemets dans la mesure où bien souvent les formes sont reprises et seuls les motifs changés. Il devient difficile, pour des créateurs constamment sollicités - entre collections de saisons et collaborations - de se renouveler véritablement. Les tendances sont esquissées par les designers, simplifiées par les marques de prêt-à-porter qui s'en inspirent pour leurs collections produites à bas coût, diffusées par les publicités -au sens large : voir l'influence d'Instagram ! avant d'atterrir dans ces grandes surfaces pour petits budgets. 
De notre côté consommateur, ce renouvellement entraîne une tendance à l'achat impulsif dans la mesure où les pièces ne restent pas longtemps en magasin : plutôt que de prendre un temps de réflexion, le consommateur achètera par peur de regretter son omission. 
Le renouvellement est donc essentiel au fonctionnement du fast-fashion, dont il est un véritable moteur.

Une scène du Diable s'habille en Prada (2006), révélatrice de la manière dont sont construites les tendances.


L'aspect économique pousse également à la consommation, soutenu par diverses techniques de vente telles que les soldes ou la disposition des pièces moins chères à proximité des caisses. 
Par ailleurs, notre tendance à la consommation est décuplée par cette démarche de démocratisation du haut de gamme pour proposer des vêtements permettant à chacun de s'approprier l'univers du luxe, en adéquation avec son budget. Mais leur faible prix entraîne nécessairement des collections composées de produits peu solides, qui ne tiendront pas sur la durée et devront être renouvelés. Sans même parler des conditions de production déplorables, révélées par des drames tels que l'effondrement du Rana Plaza et ses 1135 morts +, en 2013 au Bangladesh.


Il semble impensable que la tendance éphémère ait pris le pas sur la qualité durable. C'est pourtant le cas, finalement peu surprenant dans la mesure où notre société ultra-connecté est influencée par des publicités constantes, protéiformes et créatrices de besoins. Se détachant du traditionnel "vu à la TV", la publicité revêt des formes plus dissimulées telles que le placement de produit et les partenariats. Il relève donc de la responsabilité des "influenceurs" de tous bords - Instagram ou Youtube pour ne citer qu'eux - de se positionner clairement dans leur rapport à ces nouvelles manières de vanter ses produits. 

La controversée Essena O'Neill révèle en 2015 l'envers du décor d'Instagram et de ses placements de produit léchés.

A l'opposé du consumérisme et du fast-fashion, certaines marques tiennent bon et proposent des pièces de qualité, issues de matériaux nobles, durables et confectionnés avec éthique. Rejoignant à leur mesure le mouvement dit du "slow fashion" - mode lente - elles résument leur démarche aux trois termes d'éthique, responsable et durable.

Par éthique s'entendent aussi bien respect de l'environnement (savais-tu que la production de coton nécessite une importante quantité d'eau ?) que respect des ouvriers qui confectionnent les produits, afin éviter de nouveaux drames et de nouveaux appels au secours glissés par les ouvriers dans leur conceptions. Un vêtement éthique est une pièce qui t'assure d'avoir été confectionnée par une personne traitée décemment, payée justement, et qui en conséquent fournira un travail de qualité. C'est aussi et de préférence, une pièce confectionnée au plus proche par des acteurs locaux, dans le but de limiter les dégâts environnementaux résultant d'un transport longue-distance.

Durable, c'est un écho au mantra de Vivienne Westwood "Achète moins, choisis mieux, fais durer". Acheter se transforme en investissement : un rapide calcul te permettra de réaliser une véritable économie, car il vaut mieux payer une pièce qui te tiendra des années, que de renouveler constamment sa garde-robe avec de nouveaux pulls déformés en six mois. C'est aussi l'engagement de ces pièces qui s'attachent à une démarche plus qualitative que quantitative.

Responsable, c'est ton comportement lorsque tu es saisi par le "déclic" de cette prise de conscience. Car voter commence dans ton panier, et que tu as ce pouvoir aussi infime qu'essentiel de choisir comment tu veux consommer, n'hésite pas à t'informer.

Crédits à Aatise


Les solutions

Ainsi brossée, la situation semble pessimiste. Pourtant il existe de véritables solutions, faisant une différence concrète tout en étant aisément adoptables. Et puisque tout est affaire de conciliation, je te propose deux alternatives pour acheter responsable, assorties des leurs points forts et de leurs points faibles (je sais que tu le veux, ce manteau fourrure et léopard !).


1. L'achat éthique et d'occasion

a. En ligne

Si tu as confiance en ta morphologie simple à habiller et qu'acheter en ligne ne te rebute pas, je t'invite à découvrir les sites de revente de vêtements entre particuliers. 
Le principe est simple : pour vider ta garde-robe, il te suffit de mettre quelques photos de la pièce que tu vends en les assortissant des détails pratiques et essentiels que sont sa taille, son état et son prix. Libre à toi d'ajouter des informations complémentaires ! Et pour remplir la tienne, consulte le catalogue largement fourni des pièces d'occasion et fais ton choix parmi les pièces qui s'offrent à toi.

Les +

- Une grande diversité de pièces proposées
- Un faible coût à l'achat
- Un paiement sécurisé
- Une possibilité d'arrondir des fins de mois

Les - 

- Souvent impossible d'essayer
- Pas toujours de retour possible
- Une fiabilité relative des vendeuses/acheteuses
- Relativement chronophage

Les bonnes adresses :

- Vinted
- Vide-dressing
- Etsy


b. En vrai

Crédit: Yelp
Si tu préfères prendre le temps de te déplacer afin d'avoir l'assurance que la pièce tombe parfaitement sur tes courbes parfois dures à habiller, le monde de la fripe t'ouvre ses portes ! Avec le retour en fanfare du vintage, les friperies se développent et se modernisent. Leurs gammes de prix s'apparentent en moyenne à celles des enseignes de prêt-à-porter, mais elles véhiculent davantage cette éthique vestimentaire que je cherche à défendre. 

Les + 

- Une grande diversité de pièces proposées
- Des pièces parfois uniques 
- Un coût relativement faible 

Les - 
- Très chronophage 
- Parfois assez onéreux 
- Qualité des pièces assez aléatoire
- Parfois plus "comm'" que véritablement qualitative

Les bonnes adresses :

- Emmaus (€)
- Kiloshop (€)
- Mad Vintage ()

2. L'achat neuf et responsable



RT si toi aussi tu veux devenir un authentique loup de mer.



Si tu préfères acheter neuf, ce qui peut parfaitement s'entendre, garde en tête certaines règles de bases qui te permettront de te vêtir "quali" ! 

- Achète local autant que possible : on s'était bien moqué de la marinière de Montebourg, mais qui n'a jamais rêvé d'un authentique ciré breton ? Pour redécouvrir le frisson d'excitation d'un achat mûrement réfléchi et pour lequel tu as économisé, n'hésite pas à investir dans des pièces de qualité issues de l'artisanat local ou d'une enseigne qui travaille en collaboration avec des fournisseurs proches de chez toi. Elles peuvent être mise en valeur par la présence d'un logo spécifique. 


Mais puisque le green-washing - présenter comme responsable de l'environnement ce qui ne l'est en fait pas - guette...


- Renseigne-toi sur les marques : j'ai longtemps cru que mettre plus d'argent était aussi la garantie d'une qualité irréprochable et d'une éthique du vêtement. Jusqu'à ce que je découvre que la holding Inditex - pour INdustria de DIseño TEXtil - détenait aussi bien Bershka que Zara ou Massimo Dutti. J'ai donc appris à me repérer grâce aux étiquettes : si le vêtement vient du Bangladesh, de Chine ou du Vietnam, sache qu'il y a de fortes chances pour qu'il ait été confectionné par des ouvriers sous-payés et traités misérablement. Et ce, peu importe le prix que tu mets : il partira plutôt dans la marge coquette que se font ces marques florissantes, et dans la publicité qui viendra nourrir le cercle sans fin de la consommation de masse...



Et toi, comment te positionnes-tu face à la consommation de masse dans le domaine vestimentaire ?
Te sens-tu informée de la situation réelle de la sphère fashion ? 
As-tu adopté d'autres alternatives pour concilier mode et éthique ? 

10 commentaires:

  1. Bonjour Camille,
    Contente de te revoir sur la blogo, surtout pour te lire sur un sujet intéressant tel que celui-ci. Je ne m'y connais que très peu, mais je fais de plus en plus attention à cela, donc ça tombe à pic. Si tu as des marques à proposer pour le neuf, je suis preneuse. Au passage, j'adore tes bottines !

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    1. Coucou Marinette !

      Quel plaisir de discuter à nouveau avec toi, après tout ce temps. Je suis ravie que l'article te plaise, et j'espère que les prochains sauront nourrir ta réflexion sur un sujet aussi actuel que passionnant.

      Concernant les marques neuves et éthiques, voici une liste non exhaustive :
      - Accessoires, foulards et headbands : Grain de Brume
      - Accessoires (ceintures) : Les Jolies Anses (Etsy)
      - Accessoires (bijoux) : Mademoiselle Celadon (Etsy)
      - Jeans : Jeans 1083
      - Jeans : Bonobo Jeans
      - Sous-vêtements et pyjamas : Le slip français
      - Sacs : Magnethik
      - Chaussures (sneakers en toile) : Veja
      - Prêt-à-porter : ASOS Green Room
      - Prêt-à-porter : Bazaar de luxe
      - Prêt-à-porter : Stanley & Stella
      - Prêt-à-porter : Amaz
      - Prêt-à-porter : People Tree
      - Divers : Ethos bio
      - Maquillage : Avril
      - Maquillage : Yves Rocher est pas mal

      Tu peux également soutenir l'artisanat par des achats sur Etsy. Les fabricants sont toujours très disponible, et il y a un grand choix de bijoux, d'accessoires, ou même de vêtements.

      Bien à toi !

      Camille

      PS : Merci pour les bottines !

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    2. Merci beaucoup pour cette liste ;)

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  2. Coucou Camille^^
    Je suis heureuse de te retrouver avec ce nouveau blog, un super article très intéressant, j'ai de plus en plus envie de me tourner vers un mode de vie plus sain et durable, et je prends note de tes bonnes adresses !! Merci beaucoup :)

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    1. Hello Léna !
      Je suis ravie de te retrouver ici après tout ce temps ^_^ Merci pour ta réaction, et ton retour positif ! N'hésite pas à partager tes bons plans et découvertes, et à très vite je l'espère :)

      Camille

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  3. Helloooo! :)
    Je suis JOIE de te revoir sur la blogo, même si je n'étais pas très active sur ton ancien blog ^^ Je suis très intéressée par la question environnementale, cette année je me suis inscrite au défi zéro déchet ;) la question des habits se pose donc...
    Tout le problème réside pour moi à avoir le courage d'aller voir, sue ce soit sur vinted (le site où je suis inscrite ^^') ou en friperie.
    Sachant que: la première friperie où je suis allée était vraiment paumée dans la campagne, donc les prix étaient très bas (5€ le kilo sur tout le magasin, qui était immense (pile de vêtements en vrac), excepté je crois les déguisements et les vestes en cuir, quelque chose comme ça). Donc quand je suis allée dans un Kilo Shop à Paris, j'étais un peu choquée de voir que les prix montaient jusqu'à 50 € le kilo x) Depuis, je n'ai pas trop trop eu la foi de retenter les friperies, surtout que je n'ai pas vraiment d'ami·e·s proche de moi intéressé·e qui pourrait m'accompagner ^^
    Ah, une autre difficulté aussi est que mes vêtements sont encore payés par mes parents (je suis en terminale) et que s'iels ont relativement accepté que je devienne végé iels ne sont pas d'accord avec tous mes engagements, donc je ne les ai pas encore mis au courant de mon challenge zéro déchet ^^
    (pour mon anniversaire j'ai eu des vêtements neufs, mais je crois qu'ils sont relativement étiques ? en tout cas ils n'ont pas été fabriqués au bangladesh/chine/inde etc ^^' )

    Bref je ne sais pas trop si ce commentaire était utile, disons que c'est une sorte de témoignage ;) je vais lire ton deuxième article !

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    1. Bonsoir Jta 91 !

      Merci pour ton retour et ton témoignage ! Sache que tu es la bienvenue et que je suis ravie de pouvoir discuter à nouveau avec toi, après tout ce temps. C'est formidable que la question environnementale sois tienne : elle est essentielle et a besoin d'être posée !

      En effet, à Paris (où je vis) les friperies peuvent être exorbitantes. La faute au retour en force du vintage : c'est hype, donc plus cher. Par contre quand on a des adresses on les garde ! Par exemple j'adore Mad Vintage, même si c'est très cher. Du coup je préfère acheter une seule pièce, mais belle et que je porterai souvent. Avec l'expérience on développe un nouveau sens, celui de savoir si le vêtement acheté sera rentable. J'avais trouvé un truc d'ailleurs : pour connaître (après coup) le véritable prix de ton vêtement, tu divises le prix initial par le nombre de fois que tu l'as porté et là tu sais si c'est vraiment rentable ^^ Pas très utile mais assez marrant à faire.

      Pourquoi tes parents ont du mal avec tes engagements ? Ils craignent pour ta santé (dans le cadre végé) ? Et peux-tu expliquer ce qu'est le challenge Zéro Déchet (et où tu en es) ?

      Pour savoir si tes vêtements sont conçus de manière responsable, Internet est ton ami aha. C'est assez bien indiqué en général.

      A très vite !!

      Camille

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  4. Coucou ma carotte !!

    Génial cet article ! Super intéressant et très bien construit comme d'habitude ! Ma prise de conscience par rapport à ce sujet s'est faite il y a environ deux ans ! Je dois t'avouer que j'ai parfois beaucoup de mal à m'habiller totalement éthiquement et que j'ai toujours un petit pincement au cœur quand je vois une étiquette estampillée "Made in China" ! Comme tu le dis le facteur économique joue un grand rôle dans cette problématique et c'est souvent faute de mieux que je me retrouve chez H&M !

    Alors je me suis mise à la couture ! Et je me fais mes propres créations! C'est une alternative intéressante et au delà du grand réconfort que m'apporte l'idée de me dire que je casse un peu ce cercle infernal, je suis surtout très contente mettre des vêtements totalement uniques !

    Mais je sais malheureusement que c'est une alternative limitée, puisque si la confection de mon vêtement n'a pas contribué au marché capitaliste, la fabrication du tissu en lui-même aura surement endommagé l’environnement ...

    Alors parfois j'ai juste l'impression qu'on ne peut pas gagner sur tous les bords, on ne peut que limiter les dégâts !!

    PS: Est-ce que te retrouve dans le minimalisme du coup ? :)

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    1. Merci pour ton commentaire ma jolie Carotte !

      La couture, c'est tellement stylé... Je suis admirative ! J'aimerais beaucoup regarder tes créations. Ce n'est pas trop dur ? Tu as appris seule ? Que sais-tu faire avec une machine et un peu de tissu ?

      Bien sûr, comme tu le dis, on ne peut pas mener tous les combats de front : c'est presque totalement impossible de vivre 100% respectueux de l'environnement. Même le "ponte" du respect de l'environnement, l'auteur de la Sobriété heureuse Pierre Rabhi, se rend à ses conférences en avion (et le reconnaît humblement). Mais déjà ton choix de coudre est un engagement de valeur.

      Et oui, j'aime énormément le minimalisme. En ce moment (et depuis assez longtemps, je lis par bribes) je suis penchée sur le livre The joy of less par "Miss minimalist" Francine Jay (son blog : http://www.missminimalist.com/). C'est passionnant !

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    2. La couture c'est très amusant, et franchement plus simple qu'il n'y parait, j'avais fait un stage en 5e et ça m'avait initié à l'utilisation d'une machine mais si tu veux toi même te lancer : Youtube est ton meilleur ami !

      (un jour si on se voit à Paris j'essaierais de venir avec une tenue 100% DIY ! ;))

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